jeudi 9 février 2012

La quatrième dimension de Jean Painlevé

Jean Painlevé n'a pas fait que dans le documentaire animalier. En collaboration avec André Sainte-Laguë, un des premiers noms de la théorie des graphes et l'animateur de la section mathématiques du Palais de la découverte, il tourne un court-métrage intitulé La quatrième dimension. Créé en 1937, ce film est justement destiné à être projeté au palais de la découverte... Son générique est donc émaillé de grands noms (notamment Émile Borel et Paul Montel).



D'un point de vue mathématique, La quatrième dimension est brillant. Reprenant quelques analogies de Flatland (écrit en 1884 par Edwin Abbott Abbott), il est très pédagogique dans ses exemples, même s'il perd un temps précieux à expliquer ce que sont des espaces à une, deux et trois dimensions. Dès qu'il s'attaque à la quatrième dimension, il devient remarquable. Oubliez les explications pompeuses et mal maitrisées des émissions TV de vulgarisation où on vous parlera de "dimensions parallèles" (ce qui ne veut rien dire). Ici on va faire dans le mathématique : c'est rigoureux, clair et surtout indéniablement vrai.

Ne vous attendez cependant pas à avoir la classifications des 4-polytopes réguliers convexes ou à vous régaler de la construction de l'icositétrachore. Ce film fait plutôt la synthèse rapide d'une multitude de petits résultats rigolos et faciles à concevoir ou à prouver. Et dans ce domaine, il est d'une pédagogie parfaite. Le tout ne dure d'ailleurs que 10 minutes...

Par exemple, Jean Painlevé veut illustrer la façon dont le temps pourrait-être perçu comme une simple dimension spatiale supplémentaire. Pour cela il transpose un objet 3D dans un espace 2D+T (donc également tridimensionnel). Cela donne donc une animation où l'on voit une orange dont l'axe z est parcouru au cours du temps. Dans la pratique, cela revient à faire défiler les coupes d'une tomographie à une vitesse constante. C'est très beau et techniquement très bien réalisé (il a dû s'amuser avec des lames de rasoir, la microtomographie aux rayons X n'existant pas en 1937).

Cette impression de mouvement donné par un objet statique, car on voit bien un disque qui croît puis qui décroit ainsi que des cloisons internes qui se déplacent, explique mieux que mille mots la façon dont un objet dynamique en 3D n'est qu'un stupide objet immobile dans un espace 4D (si les quatre dimensions de l'espaces considérés correspondent à 3D+T).

De même, vous apprendrez qu'une simple rotation en 4D permet de transformer un objet 3D en son symétrique (bonjour le situs inversus), ou encore, que le concept de boîte fermée dépend de la dimension considérée.

Les effets spéciaux, conçus par Pierre Achille Dufour, sont géniaux et valent à eux seuls le détour. Le seul défaut, c'est qu'un mathématicien trouvera ça un peu trivial et regrettera que ça s'arrête à la dimension 4 (les dimensions finies, ou même infinies dénombrables, c'est pour les bébé).

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